
Du 03 au 05 octobre 2022, la Rdc abrite les travaux préparatoires de la 27ème Conférence des parties à la Convention Cadre des Nations Unies sur le changement climatique « PRECOP27 », dont les travaux proprement dits (COP27) se dérouleront à Sharm-El-Sheik en République Arabe d’Égypte, du 7 au 18 novembre de l’année en cours. C’est un véritable réquisitoire qu’a fait la VPM Eve Bazaiba devant près de 64 ministres du climat réunis à Kinshasa.
Après avoir présenté son pays couvert à plus de 60% par la forêt tropicale humide, représentant plus de 62% des forêts du Bassin du Congo, avec plus de 155 millions de kilomètres carrés de forêts tropicales humide, Eve Bazaiba, Vice-Premier ministre, ministre de l’Environnement et développement durable a, dans un discours applaudi du début à la fin, démontré que ces forêts séquestrent quotidiennement près de 24,5 Gigatonnes de gaz à effet de serre, alors que ses 105 km2 de tourbières constituent un stock naturel d’environ 30 Gigatonnes de dioxyde de carbone, soit l’équivalent de plus de deux ans d’émissions mondiales.
Dans ce contexte, se demande-t-elle, comment donc parler de lutte contre le changement climatique, de protection de l’environnement, ou même de préservation de la biodiversité sans faire référence à la République Démocratique du Congo ?
Des raisons pour organiser la « PRECOP27
En tant qu’Etat membre du Bassin du Congo, plusieurs raisons ont conduit la Rdc à solliciter l’organisation des travaux préparatoires de la Conférence des parties à la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement climatique, alors que celle-ci revient sur le continent africain pour la 3e fois depuis 1992, date d’adoption de la Convention.
Il s’agit notamment de l’urgence d’attirer l’attention de la communauté climatique internationale sur le Bassin du Congo, une région cruciale à la lutte contre le changement climatique, mais qui n’a à ce jour bénéficié que de très peu d’attention, alors qu’elle rend d’immenses services écosystémiques à l’humanité toute entière, dont notamment la protection de la biodiversité et la séquestration du carbone atmosphérique ; de souligner le fait que notre région est à la fois victime des effets du changement climatique, et a un besoin de plus en plus pressant d’adaptation, alors qu’en même temps nous sommes détenteurs d’une bonne partie de la réponses, du fait de nos immenses ressources naturelles, notamment notre biodiversité et nos 268 millions d’ha de forêts tropicaless.
Les préoccupations de la Rdc
Entant que pays membre d’un bassin tropical qui contribue significativement aux solutions basées sur la nature, et en même temps un des pays les moins avancés de la planète (PMA), la République Démocratique du Congo à travers la VPM Eve Bazaiba a profité de cette opportunité pour exprimer à la communauté climatique un certain nombre de préoccupations en rapport avec la préservation de son patrimoine forestier et de l’adaptation de son économie, de ses infrastructures et de ses communautés aux impacts négatifs du changement climatique.
En premier lieu, la tendance à la banalisation du non-respect des engagements internationaux pris par les parties à la Convention cadre des nations unies sur le Changement climatique, avant et pendant la COP26 ; en second lieu, la question des pertes et dommages liée aux impacts du changement climatique qu’il faut distinguer de celle de l’adaptation au changement climatique et les aborder séparément ; en troisième lieu nous citons la difficile cohabitation entre les questions de survie d’une part, et celles relatives à la réduction des émissions de gaz à effet de serre d’autre part.
Ici, Eve Bazaiba explique que nous avons besoin d’exploiter nos ressources naturelles et trouver du pain à nos enfants, mais sur la ligne de ce devoir, il y a de plus en plus des obstacles associés à la nécessité de réduire nos émissions. A l’en croire, plusieurs pays africains ont du mal à opérer un choix entre la survie de leurs populations et le contrôle des émissions de gaz à effet de serre, alors que le continent n’est responsable que de 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Que faire dans ces circonstances ? Exploiter nos ressources et nourrir nos enfants ou les contempler et les laisser mourir de faim ?
En quatrième lieu, il y a la récurrente question de l’accès aux fonds climats par les pays forestiers, notamment ceux des bassins tropicaux de la planète, alors que leurs forêts rendent des services incommensurables à l’humanité. « En effet, comment expliquer toutes les conditions qui sont imposées à nos États pour accéder à des fonds destinées à protéger des ressources dont nous sommes tous bénéficiaires », insiste-t-elle, tout en rappelant que la plupart de ces conditions, procédures, etc. souvent belles sur papier, opèrent sur terrain comme des barrières à l’accès des pays les moins avancés aux fonds climat.
La Rdc a aussi rappelé que tout investissement dans la protection et la préservation des forêts ne doit plus jamais être envisagé comme une aide au développement, mais plutôt comme un investissement dans le système climatique mondial qui, en réalité, est un bien commun à toute l’humanité. Tous nous respirons le même air, et tous nous baignons dans la même atmosphère.
« Prenons-en donc soin en investissant dans les forêts. Songeons aussi aux gardiens de forêts car en tant que tels, ils ont droit à une rémunération. Que le monde arrête les discussions et se mette au travail ! La planète brûle, et nous brûlerons avec elle si nous continuons de parler au lieu d’agir », martèle-t-elle.
En dernier lieu, il y a le prix de la tonne de carbone forestier. Il est anormal que le prix d’un service qui sauve la planète ne soit pas valorisé à juste titre. Le prix de la tonne de carbone séquestrée devait correspondre aux coûts relatifs à la préservation de ce service. A ce propos, c’est 100 dollars américains qui ont souvent été avancés, mais que nous estimons toujours insuffisant, en contrepartie à la valeur des services rendus.
« Que les pays pollueurs trouvent dans le rehaussement du prix du Carbonne forestier l’opportunité d’appuyer l’autofinancement de l’action climatique dans les pays dotés d’importantes ressources forestières, car nous sommes capables de contribuer aux fonds d’adaptation et d’atténuation et aider nos frères des pays les moins avancés qui ne sont pas aussi dotées naturellement que nous à lutter contre ce phénomène », dit-elle, avant de recommander : Ne portez pas le poids du financement de l’action climatique mondial vous seuls. Faites de nos bassins forestiers tropicaux vos partenaires dans cette lourde responsabilité.
Quelques observations de la Rdc
Dans son discours, la VPM Eve Bazaiba a indiqué comment son pays prend ce jour le monde entier à témoins, et rassure de son choix comme gouvernement à contribuer aux efforts globaux de lutte contre le changement climatique. Mais à quel prix ? Et avec qui ? Car nous ne le ferons pas seuls ni à nos propres frais. C’est simplement inimaginable et impossible.
C’est ainsi qu’elle a terminé son exposé avec quelques observation et questions : Aujourd’hui nous-nous plaignons de la dégradation du Bassin de l’Amazonie, et d’autres Bassins tropicaux de la planète. Toutefois, la vraie question est celle de savoir si nous avons fait ce qui était nécessaire pour les préserver. N’avons-nous pas laissé cette charge aux seuls peuples de l’Amazonie pour ensuite nous plaindre que ce bassin précieux à l’humanité aies été dégradé ? Que faisons-nous aujourd’hui pour protéger le bassin du Congo, et qui fera que demain il ne connaisse pas le même sort ? Que faisons-nous aujourd’hui pour que demain nous ne puissions pas en rougir ?
Jean-Marie Nkambua
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