
A la suite du décès inopiné de l’artiste musicien François Matumona Lulendo dit Général Defao, président du groupe « Big Stars », le lundi 27 décembre dernier à la clinique publique « La Quintinie » de Douala au Cameroun, le site internet lequotidien.cd a approché M. Belhar Mbuyi, pour nous partager sa riche expérience et nous dire ce qu’il a marqué chez ce musicien aux talents incommensurables. Belhar Mbuyi est un ancien journaliste reporter à l’As des As puis à Forum des As, ancien Directeur de la rédaction à Le Potentiel et à Le Soft International, ancien DG d’Africa TV, actuellement DG de Tropik’images Production. Lisez ce riche échange que nos fins limiers ont eu avec lui :
Comment avez-vous connu Defao ?
Disons d’abord que quand j’étais jeune adolescent, j’étais fan du Grand Zaïko Wawa, l’orchestre de Pépé Manwaku Waku. Après la première série des chansons, et le décès de la principale attraction de l’attaque chant qu’était Mbuku Mambu Cheick Dan, Manwaku avait remercié tous les chanteurs restants. Nous étions alors très inquiets. Mais il a organisé un festival à Ndjili à l’issue duquel il avait recruté de nouveaux talents, les Joe Nickel qui chantait comme Jossart Nyoka Longo, Gala qui était un peu le sosie de Likinga, et Kalo. Ensuite il a recruté Mumbata Joe Poster qui était chez Vicky Longomba. Avec cette nouvelle équipe, il s’est rendu au maquis à Inkisi au Kongo Central. C’est là que François Matumona Lulendu, dit Fafa, était envoyé par ses parents pour étudier. Le jeune homme, toujours bien sapé en tant que bon fan de Papa Wemba, était connu dans tout Inkisi et à Kisantu où il jouait aussi dans un petit orchestre. Ce sont ses fans qui l’ont conduit chez Manwaku. C’est ce dernier qui a alors changé son nom de scène en Defao, pour ne pas créer de confusion avec Fafa de Molokai qui était dans Viva la Musica. Bref, c’est lors de la sortie officielle de la nouvelle équipe de Grand Zaïko Wawa que j’ai vu Defao pour la première fois, et j’étais émerveillé. C’est lui qui avait conçu la danse Sengola-parachuttez, et composé le cri d’animation qui allait avec : ah oui ah oui ata l’heure, ah oui ah oui ata montre …
Devenu journaliste à L’As des As, j’ai l’ai approché pour des interviews à partir de 1992. C’était un homme aimable, poli, gentil. Et je dois rappeler qu’après son retour d’exil, c’est moi qui l’ai reçu pour sa toute première émission de retour au pays, dans le cadre de l’émission Nostalgika sur Univers Groupe TV.
Lors de la polémique selon laquelle l’ancien président de la République aurait été son chauffeur, quelle fut votre réaction ?
Je savais que cette histoire était fausse. D’abord parce que Defao a bien vécu à Kinshasa pendant près de 4 ans avec Joseph Kabila comme président de la République, car il n’a quitté le pays qu’en 2004. Ensuite, il n’a jamais vécu de façon permanente en Tanzanie, ni avant ni après la prise de pouvoir par Joseph Kabila. Enfin, et beaucoup ne le savent pas : pendant qu’il vivait au Kenya, il était quand même revenu au Congo où il avait livré un concert, c’était à Lubumbashi. Ce qui démontre qu’il n’avait aucun problème dans le pays.
Comment voyez-vous ses obsèques à Kinshasa ?
Je souhaite qu’il soit pleuré et honoré par le peuple, pour rendre hommage à ce chanteur talentueux, un des meilleurs de notre musique, et l’un des moins conflictuels de notre pays.
Quid de son groupe, lorsqu’on sait que bon nombre des groupes disparaissent après la mort du leader
Personnellement, je ne crois pas que son orchestre à lui survivra. Déjà que depuis son retour à Kinshasa, il était en train de reconstituer son groupe. Mais on n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise : les jeunes successeurs peuvent nous surprendre agréablement !
Quelles ont été les conditions de sa mort ?
Selon les informations qui nous sont parvenues de la presse camerounaise, il serait décédé de la Covid-19. Pour une personne qui avait des facteurs de co-morbidité comme l’hypertension et le diabète, ce fichu virus est souvent fatal. C’est le moment de lancer un appel à nos compatriotes pour se faire vacciner afin d’éviter de développer des cas graves.
Selon vous, pourquoi avait-il opté de s’installer à Nairobi ?
Le Kenya c’est la porte d’entrée de l’Afrique de l’Est. Il avait ainsi voulu étendre son audience sur la Tanzanie, l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi, voire la Zambie. Il n’est du reste pas le premier à tenter cette expérience. En 1974, des dissidents de Super Vox, les Didos Mutonkole, Pitchen Kazembe, Lovy Longomba, Muanza, etc. avaient créé le Super Mazembe et s’étaient installés à Nairobi. Ils avaient connu un grand succès, avec des chansons comme Shahuri Yako, Kasongo, etc.
Votre dernier mot ?
Defao était l’un des généraux de notre culture. Montrons-nous dignes de lui en lui rendant des hommages à la hauteur de la grande personnalité qu’il a été.
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