Drame du 29 octobre 2022 au stade des Martyrs : À qui incombe la responsabilité ?

Comme d’aucuns le sait, la production musicale du chanteur Fally Ipupa du samedi 29 octobre 2022 au stade des Martyrs s’est terminée par mort d’hommes, des blessés, des personnes encore sous le choc. Les questions fusent de partout pour comprendre ce qui s’était réellement passé, car, le bilan est lourd. 11 décès, des nombreux blessés, selon le décompte de la Police nationale. Mais aussi, l’opinion tente de savoir à qui revient la responsabilité des dégâts ainsi enregistrés ? La préoccupation de l’opinion se pose avec acuité dès lors qu’il semble que l’identité de l’organisateur ne s’affiche toujours pas au grand jour. Pourtant, l’autorisation d’une telle activité à grande échelle par les institutions publiques compétentes doit être accordée à une personne, physique ou morale, ayant toutes les références officielles en ordre, dont une police d’assurance couvrant les risques dus à l’affluence du grand public et pouvant répondre de toutes les éventualités.

En effet, l’organisation d’un spectacle en mode show est un ensemble d’activités impliquant plusieurs acteurs internes au spectacle, des intervenants extérieurs et plusieurs séquences des faits, à la direction de laquelle il y a un noyau de responsabilité. À première vue, la Police nationale ou tout autre intervenant commis à la sécurisation des biens et du public en pareille circonstances apparaît en pôle position au devoir de redevabilité. Pourtant, la Police n’est qu’un maillon de la chaîne. C’est l’organisateur qui élabore, déploie et contrôle le schéma opérationnel du déroulement des activités du spectacle. C’est lui qui doit prévoir et prévenir tous les faits et gestes visant la sécurisation du public, parce qu’en cette matière *l’organisateur est contraint à l’obligation de résultat.*

C’est l’organisateur qui, avec l’aide du Commandant de la Police pour la circonstance, planifie et met en place le dispositif de quadrillage par les éléments de sécurité autour et à l’intérieur des installations qui accueillent le spectacle. Autrement dit, l’organisateur du spectacle doit avoir confectionné pour la circonstance la cartographie des risques de son activité du jour en tenant compte de la capacité d’accueil réglementaire du stade et du public attendu. En effet, la capacité d’accueil d’un stade homologué par la FIFA est strictement réglementé (voir chaises et gradins numérotés). Tout dépassement est déjà une faute lourde. Globalement, l’organisateur répond de toutes les défaillances et des conséquences qui s’en suivent si des mesures appropriées n’ont pas été prises en amont.

Cependant, on peut admettre une part de faute incombant à la Police s’il est établi que celle-ci, dans le cadre de sa mission, n’a pas agi d’une manière professionnelle face à des débordements, le cas échéant. Or, selon les témoignages du journaliste Pathy Nkieri, qui a risqué un étouffement à la sortie, les portails qui donnent accès aux gradins du stade n’étaient pas tous ouverts vers la fin du spectacle. C’est une faute d’organisation dans son volet sécurité lorsqu’on sait que l’affluence à la sortie d’un événement de cette ampleur est 20 à 30 fois plus importante qu’à l’entrée. Si la police n’a pas pu contenir les badauds (ba ngembo) qui attendaient encore dehors, c’est aussi une faute. En principe, le public non muni de billets d’entrée ne devrait être autorisé à franchir l’enclos même du stade, situé à plus de 200 m des gradins.

De même, si l’organisateur n’a pas prévu des secouristes et des ambulances en nombre suffisamment prévisible, c’est aussi une faute lourde. Sa responsabilité est engagée en raison de risque aggravé. Dans tous les cas, il y a bien eu homicide involontaire. On retient l’homicide involontaire lorsque par sa négligence, inobservation de règlements ou tout acte répréhensible ou encore comportement quelconque, on a causé mort d’homme sans avoir eu l’intention de la donner. À mon avis, les organisateurs de ce spectacle doivent se retrouver dans les prochains jours face au procureur de la République près le tribunal de Grande instance de Kasavubu.

Maintenant, place aux enquêtes de Police dans les détails des faits du déroulement des activités du spectacle. De la vente des billets supplémentaires jusqu’à la sortie du dernier spectateur pour savoir qui a fait quoi. Et donc, c’est pas simple de désigner d’office un coupable. Bien entendu, il reste à établir la relation de cause à effet entre les défaillances de l’organisation et chaque cas avéré de mort à l’occasion de cet événement qui a endeuillé plusieurs familles.

Daniel Makila K.

Senior Manager de sociétés de Droit OHADA.

 

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