
« La ‘Malédiction des ressources naturelles’, parfois appelée ‘Malédiction des matières premières’, est une situation économique paradoxale, caractérisée par la difficulté que rencontrent les nations possédant des ressources naturelles en abondance, en particulier le pétrole. Elle a été décrite la première fois en 1990, dans le livre de Richard Auty. La croissance et le développement économiques des pays pétroliers est inférieure à celle d’autres pays naturellement moins riches en pétrole. Il semble exister un lien négatif entre la proportion des exportations de matières premières dans le produit intérieur brut et le taux de croissance de pays tels que l’Algérie, le Nigeria, le Congo (RD) ou l’Angola_ ». Cet extrait est l’introduction que Wikipédia fait de cette théorie. Il est évoqué dans cette analyse pour circonscrire et détruire la tentative de limiter l’implication de certains voisins de l’Est au trafic des ressources naturelles congolaises* …
Nécessité de passer à l’exploitation industrielle
Pas plus tard que le 5 décembre 2022, réagissant aux tueries massives survenues le 29 novembre 2022 à Kishishe et Bambo, tueries dont les auteurs identifiés sont des éléments du M23 soutenus par le Rwanda, Julien Paluku – fin connaisseur des réalités sécuritaires et économiques du Grand Kivu – est d’avis que « Ce qui se passe à l’Est de la RDC est une guerre économique. Ce sont le coltan, la cassitérite, l’or et surtout le pyrochlore qui sont visés. C’est la mine de l’ex-Sominki qui est visée. Ce qui justifie la progression de l’armée rwandaise vers Kishishe. C’est pour contrôler la mine de l’ex-Sominki afin d’extraire le pyrochlore ».
Niobium, coltan, cassitérite, or, pyrochlore, pétrole, gaz, bois, gorille, bref tout ce que constitue le patrimoine minier, végétal, animal et énergétique du Grand Kivu et suscite « *La malédiction des ressources naturelles* » ou « *La malédiction des matières premières* » ne devrait pas distraire les Congolais dans l’approche de la question sécuritaire.
En se bornant à croire que l’insécurité est liée à l’exploitation illégale et illicite de ces ressources par les voisins peu scrupuleux, on fait *fausse route*. Il s’agit d’une *exploitation artisanale sans garantie du lendemain*.
Juste un exemple : la crise entre Kinshasa et Kigali affecte cette exploitation en ce que le Rwanda est contraint de revoir à la baisse ses exportations pendant que les importateurs, eux, ont continuellement besoin de grosses quantités. D’où *nécessité de passer à l’exploitation industrielle*. Et, c’est là que ça cloche !
 Américains et niobium
Prenons le cas du niobium dont on ne parle tant que depuis deux décennies. Dans un article intitulé « *PARTICIPATION AMERICAINE AUX MINES CONGOLAISES* », le quotidien congolais « *Courrier d’Afrique* » note dans sa livraison du *5 juillet 1960* (5 jours seulement après l’indépendance du Congo Belge) : « L’UNION CARBIDE CORPORATION de New York, qui est à la tête d’un groupe d’industries américaines, vient de s’intéresser à d’importants gisements du Kivu où elle a pris une participation prépondérante dans une nouvelle affaire de prospection et d’exploitation constituée sous forme de société congolaise par actions à responsabilité limitée avec siège à Goma. A cette nouvelle affaire, qui est dénommée ‘Société Minière de Lushe’ (SOMILU), la Société Minière de Nyamukubi’, SOMIKUBI’ a fait apport de permis dont elle disposait déjà et qui seront ainsi mis en valeur par des investissements en dollars qui permettront de réaliser un important programme tant à LUSHE qu’à BINGO où du minerai de polychore contenant du niobium a été découvert. Il est rappelé à ce sujet que le niobium est un métal rare utilisé dans la fabrication des aciers spéciaux par l’industrie moderne ».
Dans son article du 6 décembre 2022 intitulé « *RDC : à la découverte du pyrochlore, minerai plus cher que le coltan, pillé par le Rwanda et l’Ouganda* », le média en ligne *actualite.cd* dit de ce minerai qu’il « _est un minerai stratégique, dont le métal intervient dans la fabrication des alliages composant les tuyères des fusées et les moteurs des satellites (…) Il faut se fier à des indiscrétions pour apprendre que ce minerai est extrait et commercialisé depuis 1972 à titre expérimental et qu’une firme américaine l’exploitait déjà avant la guerre d’agression en l’expédiant par avion depuis le lieu d’extraction au Kivu jusqu’au port de Mombassa d’où il était embarqué à bord de bateaux pour les Etats-Unis_ ».
C’est la preuve, si besoin est, que la découverte de ce minerai précieux remonte à l’époque coloniale. Comme l’uranium, le cuivre et le cobalt au Katanga ; le diamant au Kasaï.
 Mission accomplie : disparition du Congo
La naïveté des Congolais serait à son comble si on en venait à croire que Washington se contenterait de petites quantités de niobium provenant de l’exploitation artisanale entretenue par l’insécurité !
Le pragmatisme consisterait plutôt à admettre que les États-Unis – pour qui la RDC est *leur intérêt stratégique en Afrique* – ont le choix entre maintenir ce pays dans sa configuration actuelle ou le redessiner avec des nouveaux États comme ceux qu’on a fait voir en 2020 à Mgr Dominique Uringi du diocèse de Bunia au cours d’une visite dans les installations d’Africom (Commandement de l’armée américaine en Afrique). Cette Africom qui a fait dire le 9 août 2022 au général Townsend, prédécesseur du général Langley : « _Les trois dernières années ont été une éducation et l’Afrique est infiniment fascinante, le continent est grand, complexe et diversifié. L’Amérique ne peut pas se permettre d’ignorer l’Afrique – la sécurité future de l’Amérique, et je crois que la prospérité – dépend d’une Afrique plus sûre et plus prospère_ ».
Dans cette logique, des chefs d’Etat comme Paul Kagame ne sont que de simples *bouchons* utilisés plus pour étouffer et imploser le Congo pour qu’au prochain coup de vent (énième rébellion ou agression, élections mal organisées), la chute soit fatale !
En d’autres termes, les Congolais de partout et d’ailleurs sont (comme) avertis : la petite exploitation artisanale pour laquelle ils dénoncent Kagame et Museveni (la liste va s’allonger) prépare en réalité le terrain à la grande exploitation industrielle, et cela par des multinationales ayant pignon sur rue, avec sans doute la caution des autorités des nouveaux États du Congo balkanisé parrainés par l’Otan ! Exactement comme ils avaient parrainé entre 1956 et 1962 les premiers chefs d’Etat africains des pays indépendants.
Aujourd’hui aux affaires, l’opposition à Mobutu – qui s’était fait coiffer au poteau en 1996 en voyant l’Afdl venir moissonner là où n’avait pas semé – ne doit pas se leurrer. Elle avait fait le gros du boulot en affaiblissant le maréchal et son régime, sans avoir que la crise rwandaise de 1994 allait trois ans plus tard les emporter, la laissant gros jean comme devant.
Paul Kagame et/ou Museveni ne serait peut-être pas ou plus aux affaires. Mais, au moins, ils auraient accompli la mission pour laquelle ils ont été placés et maintenus à la tête de leurs pays en violation des principes démocratiques universels établis : la *disparition du géant Congo*. Et là s’accomplirait la théorie de Richard Auty sur « *La malédiction des ressources naturelles* ».
Moralité : le salut du Congo ne passe pas par la chute des chefs d’Etat et des régimes rwandais, ougandais et autres, comme on pourrait le laisser croire.
Faute de l’obtenir de Bruxelles (siège de l’Otan, de l’Union européenne et de l’ex-métropole), *il faut impérativement le revendiquer de Washington* ; les Etats-Unis se révélant le « *vrai propriétaire de l’EIC* », la « *vraie puissance colonisatrice du Congo-Belge* ».
Pour l’Histoire, c’est sur pression de Washington que Bruxelles se résigna à accorder au Congo l’indépendance le 30 juin 1960, et c’est encore Washington qui bloqua Bruxelles dans l’aventure de la double sécession katangaise et sud-kasaïenne !
Tant que Kinshasa n’aura pas eu raison de tous les Peter Pham actifs en Occident – États-Unis en tête – la guerre de l’Est restera l’arbre qui cache la forêt de la balkanisation !
Omer Nsongo die Lema
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