
C’est plus qu’un défaut : c’est une tare! Depuis l’indépendance le 30 juin 1960, la couverture médiatique de toutes les guerres qui se succèdent sur le territoire national n’a jamais été le fait des journalistes congolais accompagnant les militaires sur le terrain des opérations. Ces guerres vont de la sécession katangaise à l’actuelle agression rwandaise sous le couvert du M23 en passant par la sécession sud-kasaïnne, les rébellions lumumbiste, muleliste et Maï-Maï, la mutinerie des mercenaires, les guerres de Shaba I et II, les rébellions ou agressions (au choix) de l’Afdl, du Rcd, du Mlc, du Rcd-Kml, du Rcd-N, du Cndp et encore du M23.
En d’autres termes, dans la profession, les  » reporters de guerre  » n’existent pas comme on en voyait en Indochine, ou comme en a vu au Kosovo, au Koweït ou en Irak sinon en Syrie, ou comme on en voit maintenant en Ukraine. Les rares fois où on a aperçu des journalistes congolais au front, c’était pour de la com’ politique.
Normal : les règles conventionnelles internationales établies pour la protection des journalistes ne sont pas respectées en RDC. Déjà , celles pour les secouristes de la Croix-Rouge sont bafouées. Conséquence : on se contente des briefings confrontés à des échos en provenance des forces qui se battent ou simplement des…témoins.
De toutes les façons, on n’a jamais entendu un envoyé spécial ou un correspondant de Bbc, de Rfi, de Cnn ou de Jeune Afrique blessé au front à Djugu ou à Rumangabo. S’il y a un reportage sur Bunagana, c’est le produit des précautions négociées et d’un aval accordé par la Hiérarchie.
S’agissant justement de précautions, la Génération Internet très active dans les réseaux sociaux croit gagner la guerre en relayant, sinon en produisant elle-même des infos relevant de l’infox, donc de l’intox. Bunagana en est l’illustration.
Autant que les journaleux, les journalistes de profession cèdent facilement à la tentation de livrer des informations de première main alors qu’elles sont souvent et même en réalité de seconde main.
Et épreuve dure : tout silence est perçu comme *indice de complicité*. D’ailleurs, dans la corporation politique, l’unité de mesure du nationalisme ou du patriotisme est désormais une déclaration publique dénonçant l’agression rwandaise et soutenant les Fardc. Vous ne le faites pas, vous êtes anti-Congo.
Pourtant, cette agression n’est pas une première. Tryphon Kinkiey Mulumba sous Mobutu avec l’Afdl et Didier Mumengi sous Laurent-Désiré Kabila avec le Rcd sont en vie. Ministre L-D Kabila lors de l’attaque du Rwanda sous le couvert du Rcd (les Kinois et les Ne Kongo en gardent un souvenir très mauvais), le second avait fait face au soutien à Kigali de bon nombre d’acteurs politiques, de professionnels des médias et de défenseurs des droits dits de l’homme, simplement pour punir Mzee et…plaire aux Occidentaux !
En vérité, le problème du Congo, c’est son inconstance légendaire. L’autre dirait : son défaut de fabrication. Quand un pays est attaqué – quelles que soient les convictions que l’on peut avoir- on doit réagir de la même façon : l’unanimité dans la dénonciation. On constitue un front du rejet, du refus.
On l’a vu aux États-Unis le 11 septembre 2001. On l’a vu en France après toutes les attaques terroristes y perpétrées.
Digression ? Non ! Car autour de ces actes, les médias participent à la mobilisation, et les autorités désignent rapidement une structure pour la communication officielle. A Washington et à Paris, c’est Police.
En France, d’ailleurs, consigne avait été donnée aux médias et à la population de ne pas diffuser des images des victimes baignant dans leur sang. Par solidarité, tout le monde avait respecté. Ce qui a permis aux autorités en charge de la sécurité et de la justice de bien gérer la suite des événements du Bataclan, à Paris, comme celui de la promenade des Anglais, à Nice.
Or, ce qui se passe à Bunagana est pire dans la mesure où non seulement qu’il y a agression, mais en plus il y a perte de contrôle d’une partie du territoire national.
Malheureusement, c’est le moment choisi pour le peuple de se décréter lui-même reporter de guerre. Il croit aider l’armée à reprendre Bunagana en ramassant toute image à laquelle il accède et en fait large diffusion. Il signale même la position des Fardc, ignorant qu’il se livre ainsi à des actes de haute trahison.
Pis, même les soldats au front s’exhibent dans les réseaux sociaux dès qu’ils prennent possession d’une localité. Ils s’en réjouissent en se nommant ! Ils sont, de ce fait, le premier à alerter le monde entier avant même sa hiérarchie. Et le lendemain, on apprend que l’ennemi a repris la position…
Il faut impérativement arrêter cette dérive. Pour le faire, il y a lieu pour le Haut Commandement d’obtenir de la Hiérarchie (Gouvernement) l’exclusivité de communiquer sur les opérations en cours à tous les fronts avec, en plus, interdiction formelle aux militaires de diffuser des infos sur leurs prestations.
Entre-temps, les partis politiques et la société civile seraient mobilisés pour dissuader la population de publier les infos à sa portée.
C’est vrai que la tâche n’est pas facile. Mais c’est justement parce qu’elle est difficile qu’on doit rapidement la maîtriser. Autrement, on risque de perdre la guerre médiatique.
En raison de la complexité des enjeux, cette guerre-là a sa méthodologie. Patrick Muyaya gagnerait en gestion de la guerre médiatique en échangeant avec ses prédécesseurs. Il n’a pas à s’en gêner. C’est aussi cela, le nouveau narratif…
Omer Nsongo die Lema
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