
Chères Travailleuses, chers Travailleurs,
« Mise en place bientôt d’un cadre de concertation IGF – Syndicats du secteur public » tel est le titre livré ce 19 mai 2022 par l’Agence Congolaise de Presse que j’ai lu ce week-end.
En lisant ce titre, j’ai vu le syndicaliste en train chercher à obtenir une compétence complémentaire illégale d’influence. Cette compétence risque d’être porteuse de trouble de paix sociale et d’immiscions dans la gestion des Services de l’Administration Publique, des Entreprises et Etablissements où l’Etat congolais est Employeur Direct.
Dans un pays où , d’un côté, les syndicats sont le refuge des privilèges égoïstes à l’encontre d’une majorité des misérables pour reprendre l’expression de Albert Tévoédjrè et, de l’autre, la motivation intéressée est à la base de beaucoup d’actions, ce titre nécessitait une mise au point fondée sur la logique déontique de Jon Elster.
Elster(2007) montre, dans son article intitulé « A study in collective decision making », que « la force normative sert de correctif permanent aux tendances irrationnelles spontanées ». Fort de cette précision de ce grand Professeur de rationalité et sciences sociales, j’ai interrogé le constituant congolais sur la jouissance de la liberté syndicale et l’exercice du droit syndical en République démocratique du Congo.
Il ressort de cette interrogation que la constitution du 18 février 2006 dispose en son article 38 que « la liberté syndicale est reconnue et garantie. Tous les congolais ont le droit de fonder des syndicats ou de s’y affilier dans les conditions fixées par la loi ».
De cette disposition constitutionnelle découle l’écriture de deux lois n°16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière des services publics de l’Etat et n°16/010 du 15 juillet 2016 modifiant et complétant la loi n°015-2002 portant Code du Travail. Ces deux lois sont toutes utilisées dans le secteur public quant à la jouissance de la liberté syndicale et l’exercice du droit syndical.
D’une part, la loi n°16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière des services publics de l’Etat dispose en article 94 que « la liberté syndicale est garantie à l’agent des services publics de l’Etat congolais. Tous les agents peuvent librement créer des organisations syndicales, y adhérer et exercer des mandats. Ces organisations peuvent ester en justice ».
Dans l’utilisation de l’article ci-haut cité, l’arrêté n°CAB.MIN/FP/J-CK/SGA/KMI/MW/LAW/016/2013 du 1er juillet 2013 modifiant et complétant l’arrêté n°CAB.MIN/FP/J-CK/SGA/ KM/MW/0535/LAW/008/2013 du 19 avril 2013 portant réglementation provisoire des activités syndicales au sein de l’Administration publique stipule dans ses articles 12 que « la délégation syndicale a pour rôle de défendre des agents , leurs conditions sociales et de travail » et 21 que « le mandat du délégué syndical est de 3ans renouvelable ».
D’autre part, la loi n°16/010 du 15 juillet 2016 modifiant et complétant la loi n°15-2002 portant Code du Travail dispose en ses articles 230 « les travailleurs et les employeurs tels que définis à l’article 7 du présent Code ont le droit de se constituer en organisations ayant exclusivement pour objet l’étude, la défense et le développement de leurs intérêts professionnels ainsi que le progrès social, économique et moral de leurs membres », 255 «la délégation des travailleurs dans les entreprises ou les établissements de toute nature est assurée par une délégation élue », 257 « le mandat de délégués est de trois ans renouvelables », 259 « la compétence de la délégation s’étend à l’ensemble des conditions de travail dans l’entreprise ou l’établissement », 260 « la délégation syndicale participe au règlement des problèmes que pose le maintien de la discipline au travail ».
Disons que toutes ces dispositions légales et réglementaires ont été produites pour combattre la faiblesse de la volonté de s’attribuer les compétences selon ses humeurs. Car, la compétence est d’attribution dans le secteur public.
En somme, les représentants des travailleurs ne sont ni contrôleurs ni inspecteurs des représentants de l’Etat employeur. S’ils le font, c’est donc en violation de la loi n°16/010 du 15 juillet 2016 modifiant et complétant la loi n°15-2002 portant Code du Travail qui dispose en son article 235 que « les organisations des travailleurs ou d’employeurs doivent s’abstenir de tous les actes d’ingérence des unes à l’égard des autres dans leur formation, fonctionnement et leur administration ». Cette disposition légale concerne non seulement les représentants des travailleurs régis par le code du travail, mais aussi ceux régis par le statut des agents de carrière des services publics de l’Etat, pourtant, qu’ils n’existent pas de dispositions particulières les concernant.
Néanmoins, sur fond de l’article 260 de la même loi, les représentants des travailleurs peuvent contribuer au maintien de la discipline dans le secteur public où la bibliophobie, la crise de l’éthique du travail et la crise de l’éthique professionnelle empêchent les agents de l’Etat de jouer le rôle qu’on attend d’eux pour changer ce pays.
Par ailleurs, le titre « Mise en place bientôt d’un cadre de concertation IGF – Syndicats du secteur public » m’a fait pensé aux sujets qui devraient préoccuper les Agents et Fonctionnaires de l’Etat à l’heure actuelle. Il s’agit notamment du silence des syndicalistes du secteur face aux 30% d’augmentation des salaires des Agents et Fonctionnaires de l’Etat, à la suppression de jeton de présence payé aux syndicalistes et l’organisation des élections sociales (syndicales). C’est à travers ces sujets que je mets en exergue la 2ème et la 1ère grandes messes noires des syndicalistes congolais. Cadre de concertation IGF – Syndicats du Secteur public en gestation devant devenir la 3ème grande messe.
- Silence des syndicalistes du secteur public face aux 30% d’augmentation des salaires des agents de l’Etat
Les 30% d’augmentation des salaires des agents et fonctionnaires m’ont rappelé la fonction de syndicaliste attribuée au Président de la République démocratique du Congo par Christophe BOISBOUVIER (2019 :28) qui écrit ce qui suit dans le magazine Jeune Afrique n°3034 : « Tshisekedi, qui joue au premier syndicaliste du Congo, surinvestit dans le social et la lutte anticorruption ». Si cette augmentation de 30% des salaires était le résultat de la lutte syndicale des représentants des travailleurs du secteur public, ces derniers auraient fait des tapages pour prouver leur efficacité dans la défense des agents et fonctionnaires de l’Etat.
Mais, couverts de honte pour n’avoir réussi à faire appliquer le Contrat social d’innovation, dit accord de Mbudi du 12 février 2004 et le protocole d’accord du 02 octobre au 14 octobre 2017, ces syndicalistes se sont tus devant cet exploit jamais réalisé en faveur des agents et fonctionnaires de l’Etat.
Pourtant, en 2016, ces syndicalistes ont effectué des missions sur la base des ordres de mission, notamment l’ordre mission Collectif n°080/M E/MIN/ BUDGET/2016 du 19 octobre 2016 signé par le Ministre de la Fonction Publique du Gouvernement Matata Ponyo. L’astuce de ces missions, effectuées sur toute l’étendue de la République démocratique du Congo, était de récupérer les masses d’argent qui etaient détournées à l’occasion de la paie afin d’augmenter les salaires des agents de l’Etat.
La vérité est que le gouvernement Matata avait même démissionné sans que l’augmentation attendue eût lieu. La participation des syndicalistes à ces missions pour gagner seulement les frais de mission est pour moi la 2ème grande messe noire des syndicalistes congolais de la 3ème République.
Ainsi donc, les 30% d’augmentation des salaires des agents et fonctionnaires de l’Etat ont consolidé le lien de légitimité sociologique entre le Président de la République, le 1er syndicaliste du Congo et les agents et fonctionnaires de l’Etat. Dès lors la présence de ces syndicalistes dépassés et du passé est inutile.
- Suppression de jeton de présence payé aux syndicalistes
Rappelons qu’il y a, à la lumière de la convention n°135 de l’OIT, deux catégories de représentants des travailleurs qu’on appelle syndicalistes. Il s’agit, d’un côté, des permanents syndicaux et, de l’autre, des délégués syndicaux. Tous ces syndicalistes travaillent pour la défense des intérêts des travailleurs.
Tout celui qui travaille a un salaire, or les syndicalistes travaillent, donc les syndicalistes ont des salaires. Comment alors les syndicalistes sont-ils payés ?
Les permanents syndicaux sont payés sur la base des cotisations syndicales qui sont les prix des services syndicaux. Au sujet du service syndical, son analyse économique de l’adhésion syndicale, Jean François Amadieu(1999) montre qu’ « en adhérant aux organisations syndicales, les salariés sont des consommateurs des services des syndicats où ils sont cotisants. Ces adhérents achètent un service syndical par une cotisation, le service syndical peut être la promotion, la défense, l’accès à un emploi….». Ainsi donc, les salariés achètent le service syndical par la cotisation syndicale.
Abondant dans le même sens que Jean François Amadieu, Sandi Mourad (2006 revient donc à dire et à confirmer que « l’adhésion syndicale a un coût, les bénéfices de ce coût sont les services que les syndicats rendent à leurs membres ».
Inversement, les délégués syndicaux sont payés par les Employeurs (pour le secteur privé) et l’Etat employeur (pour le secteur public). Car, les arrêtés ministériels n°48/CAB/VPM/METPS/2015 du 08 octobre 2015 modifiant et complétant l’arrêté ministériel n°12/CAB.MIN/TPS/ar/NK/054 du 12 octobre 2004 fixant les modalités de la représentation et recours électoral des travailleurs dans les entreprises et établissements de toute nature et n° CAB.MIN/FP/J6CK/SGA/KM/ MW/LAW/016/2013 du 1er Juillet 2013 modifiant et complétant l’arrêté ministériel n°CAB.MIN/FP/J6CK/SGA/KM/MW/0535/LAW
/008/2013 du 19 avril 20013 portantes réglementations provisoires des activités syndicales au sein de l’administration publique stipulent respectivement dans leurs articles 35 et 20 que les heurs que les délégués syndicaux passent aux activités syndicales pendant les heures de service sont considérés comme temps de travail effectif.
Malheureusement, par cupidité et idolâtrie de l’argent, ces syndicalistes ont inventé un deuxième salaire qu’est le jeton de présence. Dans le secteur public, les actions de la plupart des syndicalistes sont motivées par l’obtention du jeton de présence.
C’est à ce titre qu’il faut rappeler que la participation des syndicalistes congolais à la reforme des entreprises publiques était plus motivée par le gain du jeton de présence que le souci de transformation.
Ces syndicalistes ont contribué activement à la liquidation socio –économique des salariés congolais en participant à la reforme qu’ils ne connaissaient ni les tenants ni les aboutissants. Leur participation à la liquidation socio – économique des salariés congolais est à mon humble avis la 1ère grande messe noire des syndicalistes congolais de la 3ème République.
Le moins que l’on puisse dire est que le jeton de présence est à la fois une corruption et une prédation des ressources financières de l’Etat que l’IGF doit aussi éradiquer avec la même rigueur.
- Organisation des organisation des élections sociales
L’organisation des élections sociales (syndicales) est un impératif pour la démocratie industrielle. Elle est fondée sur les objectifs d’ordre politico-social de participation.
Dans ses séries des relations professionnelles sur la participation des travailleurs aux décisions dans l’entreprise, le Bureau International du Travail(1969) montre que dans un régime démocratique les travailleurs jouissent des droits d’élire non seulement leurs représentants à la cité, mais aussi dans l’entreprise.
Curieusement, le cycle électoral a commencé et terminée, dans l’administration publique, avec les élections de 2013 dont les résultats ont été publiés par l’arrêté ministériel n° CAB. MIN/FP/J-CK/ 40/ CES/ SA/ DM/GMK/022/2013 du 24 octobre 2013. Pourtant, le mandat syndical dans l’administration publique est de trois ans.
Pour les entreprises et établissements où les employés sont régis par le Code du Travail, le calendrier des élections sociales n’est pas encore rendu public. Cependant, le communiqué n°005/CAB.MIN/ETPS/CNM/LIK/ 10/ 2021 portant organisation des élections syndicales dans les entreprises et établissements de toute nature pour la 8ème édition 2021 – 2024 avait annoncé ces élections pour janvier 2022.
Les syndicalistes auraient-ils encore sollicité un moratoire de 3 ans pour l’organisation des élections sociales comme ils le firent en 2018 ? Dans sa lettre n°CAB/PM/ DIRCAB/MK/2018/1640/2016 du 15 mai 2016, le Premier Ministre Bruno Tshibala Nzenze, demandait au Ministre d’Etat, Ministre de l’Emploi, Travail et Prévoyance sociale de surseoir à l’organisation des élections syndicales à la demande d’une délégation de l’intersyndicale nationale du Congo. Dans sa dite correspondance le Premier affirmait que l’intersyndicale sollicitait un moratoire de 3 ans pour l’organisation des élections. Bien que cette lettre n’eût pas été la bienvenue au ministère de tutelle, elle créa une confusion, à telles enseignes que certaines entreprises organisèrent des élections tandis que les autres refusèrent de le faire.
Comment les syndicalistes, qui obtiennent leur mandat des travailleurs, pouvaient ils aller le solliciter auprès du Chef du Gouvernement, du reste leur partenaire ?
Voilà comment la démocratie industrielle et les salariés congolais sont pris en otage pour des intérêts mesquins de certains individus.
Que cette lettre sociale congolaise illumine l’esprit de chaque agent de l’Etat afin qu’il comprenne la nécessité d’avoir des représentants dignes. J’ai fait ma part. Si vous êtes intéressé(e)s par cette lettre sociale congolaise, rejoignez nous au numéro + 243 994 994 872 et à l’e-mail jsphngandu@gmail.com pour la suite.
Fait à Kinshasa, le 23 mai 2022
Jean Joseph NGANDU NKONGOLO
Expert en Anthropo –Bibliologie du Travail, Formateur Psycho Socio Professionnel et Secrétaire Général de l’Observatoire Congolais du Travail.
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jsphngandu@gmail.com
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