
Il n’y a pas de raison de ne pas reconnaître à Félix Tshisekedi sa victoire diplomatique au regard des réactions unanimes des Américains, des Européens et des Asiatiques membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies, s’agissant de la levée de l’embargo sur les armes à destination de la RDC décidée le 20 décembre 2022.
 États-Unis (pour l’Amérique), Grande-Bretagne, Russie et France (pour l’Europe) ainsi que Chine (pour l’Asie) ont décidé de le faire, et cela à la demande maintes fois répétées, mais chaque fois écartées, de la RDC.
Cependant, contrairement en ce qu’on en dit, cette mesure injuste ayant affaibli Kinshasa ne date pas de 2008, année de l’apparition du Cndp.
Elle remonte plutôt à la suspension de la coopération structurelle des suites du fameux massacre des étudiants survenu à l’Université de Lubumbashi en mai la nuit du 11 au 12 mai 1990. Un faux massacre évidemment !
Ainsi, depuis une trentaine d’années, le pays n’a plus eu droit, à proprement parler, à la coopération militaire occidentale, ni au marché occidental des armes avec les conséquences choquantes et frustrantes ci-après :
– en 1996, devant l’Afdl portée par le Rwanda, l’Ouganda, le Burundi, l’Angola et même l’Érythrée, l’armée gouvernementale (Faz) ne fit pas le poids ;
– en 1998, devant le Rcd et le Mlc soutenus respectivement par le Rwanda et l’Ouganda, l’armée gouvernementale (Fac) ne s’en sortit qu’avec l’aide des troupes angolaises, zimbabwéennes et botswanaises mobilisées dans le cadre de la Sadc ;
– et entre 2004 et 2022, les Fardc ont dû affronter les rejetons du Rcd (mutineries Mutebusi et Nkunda, rébellions Cndp et M23) avec des succès en dents de scie. Faire face à plus de 100 groupes armés sur ce plancher des vaches n’est jamais arrivé même à toutes les armées de l’Otan réunies.
Qu’après sa défaite de 2013 – obtenue par les Fardc avec le concours de la Brigade d’intervention composée de troupes tanzaniennes, sud-africaines et malawites avant d’être (malheureusement) absorbées par la Monusco, le M23 se soit encore laissé utiliser par le Rwanda pour une guerre de trop – certainement la dernière – et que cela soit arrivé sous le mandat de Félix Tshisekedi, on ne peut que saluer l’option diplomatique adoptée par le Chef de l’Etat là où l’option militaire, préconisée par d’aucuns, aurait produit le résultat escompté par Paul Kagame : celui de la victimisation sur fond de « génocide potentiel ».
Sur ce choix-là , rien à dire : le Président de la République a joué la bonne carte. Il ne peut qu’en être félicité.
Seulement voilà : le ressaisissement soudain des Américains et de leurs alliés Européens, qui ne juraient jusque-là que par le maintien de l’embargo même sous forme allégée, ne peut pas ne pas surprendre l’opinion avisée.
En effet, jusqu’au 8 décembre 2022 – date d’ouverture de la session spéciale du Conseil de sécurité de l’Onu consacrée à la sécurité en RDC et dans la sous-région des Grands Lacs en prévision du renouvellement du mandat de la Monusco – les 3 pays occidentaux membres du Conseil de sécurité ne manifestaient aucunement l’intention de lever totalement cet embargo, au grand dam des Congolais, tous vent debout.
Mieux, jusqu’à la clôture de la 2ème conférence États-Unis/Afrique organisée du 13 au 14 décembre 2022 à Washington, rien ne présageait un pareil retournement. Tout ce qu’on en a retenu, c’est la double promesse (pas engagement) de l’administration Biden de plaider pour une place pour l’Afrique au Conseil de sécurité des Nations Unies et une représentativité plus marquante du continent noir au G20. Ce qui donnera lieu, sans doute, à des batailles épiques rappelant l’Oua d’avant Perestroïka avec, d’une part, des pays progressistes (parrainés par les communistes/socialistes) et, de l’autre, des pays modérés (parrainés par les capitalistes).
Dieu nous en garde…
Et voilà que, contre toute attente, il en pleut terriblement sur le Rwanda de Paul Kagame : les tirs des chevrotines partent de partout, principalement des pays membres de l’Otan (Belgique, France, Espagne, Allemagne, Usa, etc.). Il n’est pas exclu, dans les jours à venir, de voir des pays africains leur emboîter le pas.
Est-ce la fin d’un mythe pour Kigali ? Loin s’en faut.
Personne de raisonnable ne convaincra tout congolais éveillé que derrière cette contre-offensive diplomatique ne puisse se cacher un « complot ».  » Méfiez-vous des cadeaux des Grecs « , dit-on.
Il y a trop de coïncidences autour du moment choisi par les partenaires pour ne pas suspecter un cadeau empoisonné :
– démarrage des opérations électorales,
– annonce de la candidature de Moïse Katumbi,
– fuite d’information sur l’extradition du Général John Numbi exilé au Zimbabwe,
– montée en puissance de certains collaborateurs du Chef de l’Etat adoubés par l’Occident en matière de lutte contre la corruption et pour la bonne gouvernance financière (suivez mon regard) ;
– indexation de certaines communautés ethniques et tribales, mais aussi (fait insolite),
– non renouvellement des sanctions de l’Union européenne à l’encontre de quelques proches de Joseph Kabila.
Pour rappel, la date de renouvellement ou non des sanctions devait intervenir le 9 décembre passé ! La veille, le 8 décembre 2022, l’Union européenne a élargi la liste des personnes sanctionnées dont un certain Justin Bitakwira.
Il y a là un faisceau d’éléments à ne pas négliger, à ne pas banaliser.
La leçon qu’on découvre aujourd’hui à la faveur de la levée de l’embargo sur les armes destinées à la RDC est que les partenaires dits traditionnels ont le même modus operandi. On le voit bien avec la guerre en Ukraine. Ils décident souverainement de qui est coupable et de qui est victime. Un jour, au gré de leurs intérêts, ils vont transformer le coupable en victime, et vice-versa. Pour les intérêts, ils sont prêts à agir ensemble, quitte à mourir ensemble parce qu’ils ne doivent vivre qu’ensemble.
Pour le Congo-Zaïre, ils ont mis 32 ans pour changer d’opinion, faisant passer, sans état d’âme, par pertes et profits les conséquences politiques, sécuritaires, économiques et sociales de l’embargo.
Et nous applaudissons, sans leur demander simplement :  » pourquoi nous avoir soumis à cette épreuve pour ne nous en délivrer qu’en nous sachant fragilisés ! « .
Il y aurait anguille sous roche qu’on en serait pas surpris…
 Omer Nsongo die Lema
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