
- Patrick Muyaya et Gilbert Kabanda, ministres respectivement de la Communication et Médias et de la Défense ont présenté, hier, le document de politique de défense. C’était au studio Maman Angebi de la Rtnc, en présence de plusieurs invités de marque.
De prime abord, Gilbert Kabanda a tenu à souligner que la politique est ce qui est du domaine du public et ce qui n’est pas du domaine du public, on appelle stratégie. Ici, précise-t-il, on ne va pas parler de la stratégie. On va parler plutôt de ce qui est commun aux citoyens. A l’en croire, la politique de défense de la République n’a pas été formellement définie depuis 1960.
Certes, il y a eu des actions politiques, mais les grands pays comme la France, la Russie, … définissent leurs politiques qui doivent guider la défense de leurs pays. Le Congo ne l’a pas fait depuis 1960 et c’est ce qui a poussé le ministre de la Défense Gilbert Kabanda à le faire, pour permettre à la Rdc de se doter d’une politique qui va guider la démarche de défense de la patrie.
Faisant un parcours historique, Gilbert Kabanda a expliqué comment le propriétaire de l’Etat indépendant du Congo (EIC) avait mis en place une politique de défense qui a créé La Force publique. Au plan interne, l’objectif était la subjugation des populations congolaises pour permettre l’exploitation des ressources naturelles. Plus tard, le roi Léopold II va céder le Congo belge en 1908 au Royaume de Belgique, qui a maintenu la même politique de défense, mais en proposant une politique complémentaire : la lutte ou la prévention de l’inversion arabe en Afrique centrale.
Après la 2eme guerre mondiale, il y a eu un 3e élément, la prévention du communisme en Afrique centrale et australe. « Après l’indépendance, nous continuons à relever de la politique occidentale sur le plan de la défense. La lutte contre la pénétration du communisme était notre élément de défense. Nous étions une sorte de projection lointaine de la défense de l’Otan en Afrique », indique-t-il.
Par la suite, le ministre de la Défense va démontrer qu’en 1977, nous avions suffisamment évolué en termes d’officiers formés, et suffisamment d’équipements. Malheureusement, il y aura un incident majeur, la mauvaise conduite des opérations par le capitaine Bumba, qui va pousser Mobutu à décapiter le commandement militaire et à se substituer commandant des opérations. « Avec tout cet Armada, nous nous sommes effondrés. Mobutu fera recours aux Marocains pour mettre fin à la guerre du Shaba. Un an après, c’est encore une force étrangère, une légion française qui est venue pour mettre fin à la guerre du Shaba », rappelle-t-il.
Une armée forte, mais aussi des faiblesses
Dans son récit, le ministre de la Défense a reconnu que nous avons eu certes une armée, mais aussi des faiblesses évidentes qui nous ont obligé, après chaque agression, de tendre la main à l’extérieur. Ceci n’est pas une fatalité, mais un mauvais choix de la politique, insiste-t-il, tout en rappelant que Mobutu avait privilégié le bon voisinage avec les pays limitrophes. A cette époque, on ne pouvait jamais parler de la dissuasion vis-à -vis de nos voisins. Et les dirigeants de l’époque ont reconnu qu’ils avaient un pays bourré de richesses et que celles-ci allaient être à la base de la convoitise des pays frères.
Ainsi, l’armée qui était apparemment bien formée, a été surprise. Devant ce tableau, fallait-il continuer à nous dire que nous sommes un pays potentiellement riche sans tirer les leçons de l’histoire ? Les richesses que nous avons sont nos propres malheurs. Ailleurs, dit-il, lorsqu’on est riche, on met ‘’un chien méchant’’ à la porte. C’est ce qui a fait qu’on a réfléchi de la dissuasion sur le plan extérieur, mais aussi intérieur.
Gilbert Kabanda est d’avis que la seule dissuasion comme politique ne suffit pas. Il faut construire une armée pour protéger notamment certains sites que nous avons. Il note que 17% de notre territoire est occupé par des parcs touristiques. Ce sont des aires qui doivent être protégées. Nous avons des ressources minières, des sites convoités par des forces étrangères et qui s’y installent sans être inquiétées. Si nous voulons être riche, nous devons sécuriser et défendre ces aires-là .
Avoir la logistique
Défendre, oui, mais il faut une logistique. Le Congo est parmi les pays qui vendent les matières premières à toutes les nations. Est-il normal qu’en 60 ans qu’on n’ait pas développé une capacité pour fabriquer une cartouche ? Et pourtant, nos royaumes avant l’indépendance fabriquaient des armes. D’où, la nécessité de développer une capacité d’autonomie logistique.
Le ministre Gilbert Kabanda s’étonne de constater que notre armée est une des rares armées qui n’a pas de réserves. Aussitôt que quelqu’un termine sa carrière en Rdc, on l’oublie totalement. Les anciens militaires ne sont plus comptés comme des ressources potentielles. On a décidé de créer une réserve. Il y a beaucoup de jeunes qui veulent devenir militaires. Nous avons pensé qu’il est temps d’instaurer une école de cadets pour une vocation militaire.
D’ailleurs, la constitution prévoit un service militaire obligatoire sous certaines conditions. C’est dans ce cadre que nous pensons qu’il est temps que nous puissions étudier un service militaire de notre jeunesse, notamment ceux qui terminent les humanités.
« Nous avons un pays qui a besoin des cerveaux dans son secteur de défense. Il faut donc organiser un service militaire contractuel », dit-il, avant de prévenir que les menaces, il n’y a pas que dans l’espace physique, mais aussi dans le domaine du numérique : la cybercriminalité doit être une préoccupation de notre système de défense », pense-t-il.
Il y a’aussi la criminalité transfrontalière où la guerre est alimentée par la douane. « Nous devons avoir un système de défense militaire et civil suffisamment intégré pour que ceci change. Notre diplomatie de défense est pratiquement au point mort. Le Congo ne participe à aucune activité internationale dans le domaine de l’Onu. Ce ne sont pas les capacités qui nous manquent, nous devons y penser », s’exprime le patron de la Défense.
Mais aussi dans le cadre de la diplomatie de la défense, nous devons redynamiser nos services de manière à ce que la diplomatie de défense soit effective.
Des efforts à faire sur le plan moral
« Qui veut la paix prépare la guerre », dit-on. Préparer la guerre signifie avoir les hommes et la logistique. Mais pour la Rdc, nous avons des hommes. Mais sur le plan moral, il y a d’énormes efforts à faire. D’où, la nécessité de veiller à ce que l’éthique, la discipline militaire ne soient pas qu’un vain mot.
Tout en fustigeant l’attitude de Mobutu qui avait dénoncé les maux qui gangrenaient l’armée, avant d’appeler certains Belges pour gérer les finances, etc., Gilbert Kabanda pense que nous devons faire en sorte que la moralisation de la gestion de notre armée soit une priorité majeure.
Même si les premiers résultats vont se manifester en 2023, le ministre pense que la défense militaire sera insuffisance si elle n’est pas couplée avec la défense civile. « Nous devons avoir un mécanisme qui réponde aux menaces pour avoir une défense globale, suffisamment performante », martèle-t-il.
Jean-Marie Nkambua
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