
30 juin 1960-30 juin 2022, la République Démocratique du Congo vient d’accomplir 62 ans d’indépendance. A cet effet, économiste de formation et Professeur d’université, Nicot Omeonga était l’invité dans le journal d’une chaîne de la place. Il a répondu aux questions relatives à la cet anniversaire du pays. Pour lui, la date du 30 juin 1960 lui rappelle beaucoup de choses, bien qu’il n’était pas encore né. Cependant, grâce à la lecture, il est en contact avec le passé pour mieux projeter l’avenir. Et de préciser :’’ C’est en cette date que la dignité du peuple congolais a été réhabilitée. Cette date nous rappelle notre accession à la souveraineté internationale en tant qu’État. C’est une date de la fête nationale. L’on entonne indépendance tcha tcha. En cette période, la plupart de pays africains avaient accédé à leur souveraineté internationale. 30 juin 1960, c’est une date mythique pour nous. Elle mérite d’être célébrée’’.
L’indépendance politique étant acquise, qu’en est-il de l’indépendance économique ?
Avant d’en arriver, voyons d’abord en quoi nous avons pêché. Quand nous nous retrouvons à la table ronde (les pères de l’indépendance) et comme toujours notre pays nous sommes toujours caractérisés pour le partage quand il y a des négociations ou partage de responsabilités, en marge de cette table ronde, il devait y avoir une table ronde économique qui devait décrire et définir quels sont ou quel serait le plan économique qui devrait conduire le jeune État qui accède à l’indépendance. Mais cela n’a pas eu lieu, d’autant plus que tout le monde voudrait être ministre ou mandataire. Parlons de l’indépendance. Quand on parle de l’indépendance, il faut d’abord commencer par la dépendance. Nous étions sous la dépendance politique et économique. Ce que toute notre économie, tout notre patrimoine de richesse était l’œuvre des colons et ça appartenait aux colons. Quand on parle de l’indépendance économique, on essai de s’émanciper. Quitter cette colonisation avilissante qui a été qualifiée d’une colonisation d’exploitation et de paternalisme. Nous nous émancipons pour quitter le stade où nous étions enfants où nous dépendions du colon pour notre existence. L’indépendance consiste à ce qu’il y ait amélioration de la qualité de vie des Congolais. Ça suppose que tous les 4 secteurs classiques de l’économie sont l’œuvre des Congolais et ces derniers en sont acteurs. Quand il y a l’indépendance, il y a certains attributs par exemple la monnaie. La monnaie est un attribut de l’indépendance. Hier on avait le franc belge ou quoi. L’indépendance se définit aussi par rapport à la monnaie. Mais je note avec regret que jusqu’ici, même sur ce point là, nous sommes toujours sous le joug des puissances étrangères. Vous en savez quelque chose la dollarisation’’.
A quand l’indépendance économique pour la RDC ?
‘’Avant d’en arriver là, il faut d’abord définir la nature de notre économie. Nous sommes une économie de rente. Une économie entièrement et exclusivement extravertie. Et quand on parle de l’extraversion, c’est-à-dire, extraversion financière, commerciale et technologique. Et quand on parle de l’économie, quels sont les secteurs qui génèrent les richesses, le patrimoine. Nous avons quatre secteurs : le secteur primaire, c’est les mines, agriculture mais ce secteur là essentiellement minier, il est tenu par qui ? Si hier on pouvait dire que la Gécamines était le poumon économique de la RDC, aujourd’hui on en peut pas. Tous les carrés miniers ont été cédés entre les mains de ceux que vous appelez investisseurs, mais qui en réalité sont des vautours. Ils sont venus et ils s’en sont appropriés ces carrés miniers qui est produit dans notre sous sol, c’est l’œuvres des expatriés. Vous allez même dans le secteur du bois. Arrivons au secteur industriel, il n’existe plus. Parce que toutes les économies du monde, c’est le secteur avant qu’on arrive au numérique, c’est le secteur industriel où devriez situer l’indépendance. Rappelez-vous quand nous accédons à l’indépendance, on avait au moins 6500 industries. Arriver en 1980, on a détruit ces industries pour se limiter à 1800. Mais quand nous arrivons aujourd’hui. En 2010, 110. Aujourd’hui, nous sommes aux alentours de 60. Même le repas le plus consommé en RDC, le pain ou les gâteaux, c’est toujours l’œuvre des expatriés dans tous les secteurs. Quand est-ce que nous allons produire ce que nous allons consommer. C’est ça même le paradoxe congolais. Nous produisons ce que nous ne consommons pas. Et nous consommons ce que nous ne produisons pas. Il faut commencer par régler cette question là. Il faut créer. Notre économie non seulement elle est extravertie, mais elle est désarticulée. Elle n’est pas intégrée de l’intérieur. Pourquoi regarder dans l’histoire de la pensée économique toutes les industries a vu le jour aux côtés du village. Pourquoi au village ? L’activité principale du village, c’est l’agriculture, pêche et élevage. Quand on a produit suffisamment. Et on a consommé et on ne sait pas consommer tout. Il faut conditionner. On a cueilli beaucoup de mangues. Si on ne les consomme pas, ça va pourrir. Il faut créer une industrie qui fait passer la mangue au jus. Voilà comment est née l’industrie manufacturière. Les quelques industries que nous rencontrons ici en RDC, ce sont des industries d’exploitation. L’industrie capable de transformer la matière première en produit fini n’existe pas. C’est à ce niveau là que l’indépendance pouvait se constater. Mais qu’est-ce que nous faisons. Pendant que l’économie n’est pas intégrée, nous nous précipitons pour figurer dans toutes les organisations économiques sous-régionales et régionales. Et quel rôle que nous jouons ? Nous jouons toujours le rôle de figuration’’.
Comment arriver à produire ce que nous allons consommer ?
‘’Il faut commencer par le plan. Jusqu’ici tous les plans qui ont existé, c’est le plan qui a tué notre économie parce qu’il a attaqué la substance de notre économie. Il n’y a pas d’économie s’il n’y a pas le social, éducation et santé. On est arrivé à tuer ça. Tout le reste a été mis en moule. Pour bien tuer le pays, il faut tuer son éducation et sa recherche. C’est ce qui a été fait. L’initiative PPTE, tous les programmes qui ont existé sont les programmes prêt à porter. Premièrement il faut un plan stratégique endogène conçu par les congolais et qui sera mis en œuvre par les congolais. Et pour faire un plan, j’ai toujours dit qu’on ne fait jamais le bonheur de quelqu’un en son absence et à son insu. Il y a trop de plans et trop de plans tue le plan. Quand je parle de plan, c’est pluriannuel même de 30 ans. Pour faire un plan, il faut d’abord écouter. Un musicien a chanté ‘’Que demande le peuple ?’’ Est-ce que ce plan rencontre les aspirations du véritable souverain primaire, propriétaire du pouvoir ? Non. Quand nous nous asseyons dans nos bureaux climatisés, nous concevons sur base de théories que nous importons de l’extérieur, nous voulons calquer ici. Ça ne marche pas. Chaque pays a sa spécificité. Il y a des règles générales et il y a des règles particulières. Mais ce plans là quel est ce peuple qui a été consulté ? Ça c’est la première chose. Deuxième chose, tous les experts en économie de développement savent ceci et disent ceci : ‘’ il faut envoyer un grand nombre de la population, le gros des moyens là où il y a un grand nombre de la population. Ici, 70 % de la population vit en milieu rural. Mais regarde avec notre budget. Le gros de moyens restent à Kinshasa et ces moyens là restent pour faire quoi ? Pour améliorer le train de vie des institutions. Or on devrait orienter les gros de moyens au village. Et ces moyens on a besoin de trois choses de l’énergie : eau et électricité puis les routes. Quand vous amenez toutes ces choses là, à partir de là on va assister à la vrai production agricole et non de subsistance. Et cette production va nous amener à l’industrialisation qui n’existe pas encore. Si elle existe, elle est au stade embryonnaire ou marginale par rapport à notre économie. Si on a fait ça, on arrive au secteur tertiaire pour l’échange et le commerce en interne parce qu’on est un marché de 100 millions de consommateurs’’
Par où faut-il commencer ?
‘’On a tendance à confondre l’enseignement à l’éducation. On a pris le gros de notre temps à faire l’enseignement. L’enseignement, c’est l’addition des connaissances. Le savoir et le savoir-faire alors que l’éducation au-delà du savoir et savoir-faire on a aussi le savoir-vivre et savoir aussi communiquer. Qu’est-ce qui a fait défaut en RDC ? Le savoir il est là, mais nous avons pêché par quoi ? Par la déchéance morale. Quand on accède à l’indépendance, on avait à peine une dizaine d’universitaires. Mais aujourd’hui, on compte une centaine de milliers d’universitaires. Nous sommes au moins 3000 professeurs d’université à thèse. Mais l’éducation, prenons le cas quand nous accédons à l’indépendance, la Corée du Sud, son PIB était autour de 160 dollars. Brésil c’était 220 dollars. La Chine 89 dollars. La RSA nous dépassait parce qu’elle avait 445, alors que nous RDC on avait 220 dollars. Aujourd’hui, la Corée du Sud est passée de 160 dollars à 30.000 dollars comme PIB/habitant. Qu’est-ce qu’elle a fait ? Trois choses : 1ère chose, le leadership politique fort. 2ème chose : l’investissement sans cesse dans l’éducation et la recherche. 3è chose : l’industrialisation. Donc, si nous voulons aller vite vers la croissance, il faut investir dans le citoyen congolais dans l’éducation et la recherche. Regarder les grandes puissances économiques mondiales les USA avec 24.000 milles milliards de dollars. Et ils consacrent 450 milliards pour la recherche. Suivi de la Chine, deuxième puissance économique du monde. Mais c’est un pays émergeant. Elle consacre 300 milliards de dollars pour la recherche. Le Japon 3è puissance économique mais 2è pays plus développé. Qu’a fait le Japon qui n’a pas de ressources minières ni naturelle ? Il a investi dans le capital humain. Dans toutes les théories de management et de l’économie, il est noté que le capital le plus important et le plus significatif, c’est le capital humain. Vous voulez aller vite, investissez dans le citoyen congolais.
Antoine Bolia
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